La Résistance des Miao contre les Han


Pour les Han, les Miao représentent l'archétype de la Résistance à la formation d'un état unique. Les empereurs mythiques à l'aube de l'histoire chinoise établirent la civilisation en combattant les Miao : l'Empereur Jaune, qui est à l'origine de l'agriculture sédentaire, vainquit le rebelle Chiyou, en qui l'ont voit déjà un Miao ; les 4ème et 5ème empereurs, Yao et Shun, guerroyèrent contre les tribus San Miao, qu'ils bannirent à l'Ouest du domaine civilisé. Finalement, Yu le Grand, fondateur de la dynastie des Xia, lança à nouveau contre eux une campagne d'extermination ; on dit que leurs survivants s'enfuirent vers le Sud.



Ceux qui émigrèrent au Sud du Yangzi se confondirent parmi les "Man et les Yi" et autres populations "barbares", dans l'Ouest du Hunan, pour ne réapparaître dans les chroniques locales que sous les Yuan, 30 siècles plus tard. Le Guizhou, colonisé tardivement, fut sans doute pendant longtemps le sanctuaire de leur culture, ce qui explique leur nombre et leur diversité sans égale dans cette province.



Tandis que s'éteignaient dans les provinces du Sud, les dernières poches de résistance légitimistes Ming, les populations Miao du Guizhou et du Hunan ne tardèrent pas à réagir à la politique d'administration directe mise en oeuvre par les Qing, laquelle s'accompagnait d'ailleurs d'un effort civilisateur sans précédent, avec l'ouverture d'écoles pour les Miao et l'accès aux examens permettant à ceux-ci d'embrasser la carrière mandarinale. Immédiatement mise à profit par des colons aventureux, des usuriers et des administrateurs sans scrupules pour déposseder les Miao de leurs meilleures terres.



Cette politique d'ouverture se heurta rapidement à la résistance des Miao. De 1662 à 1735, plus d'une vingtaine de révoltes déclenchèrent une première campagne de pacification (1727-1730) préfiguratrice des grandes rebellions qui, de 1736 à 1972, sous Qianlong, sous Jiaqing et sous Tongzhi, embrasèrent les Hmu de Guizhou oriental, les Qoxiong de l'Ouest du Hunan et les Hmong du Guizhou central et occidental. Les répressions de ces soulèvements firent près de deux millions de morts chez les Miao.



D'ampleur diverse, tous ces mouvements se distinguaient néanmoins par leur caractère messianique : l'annonce de l'avènement d'un Roi Miao qui sauverait ce peuple de l'emprise toujours plus forte de l'Etat Han en la personne de ses collecteurs d'impôts et de ses soldats. Cela explique leur rapprochement avec les sectes mystiques han : tout naturellement ils s'allièrent aux rebelles de la secte du Lotus blanc (entre 1796 et 1820), et, en 1859, ils appuyèrent les troupes Taiping de Shi Dakai dans la traversée du Hunan et de Guizhou en direction du Sichuan. Quelques 72 ans plus tard, ils accueillirent de même les troupes de la Longue Marche.